Au pays des scies, on nâa jamais assez de dents sur sa cassette
Damien Freytag, le 10 mai 2024
Me voilĂ donc intronisĂ© sagard, un terme ne faisant mĂȘme pas parti de mon vocabulaire il y a encore quelques semainesâŠ
Loin dâavoir le profil de ces laborieux ouvriers des scieries du massif des Vosges ayant disparu de nos montagnes il y a quelques dĂ©cennies, jâai tout de mĂȘme passĂ© 28 heures, 43 minutes et 43 secondes sur les routes quâils arpentaient autrefois, au fond de leurs forĂȘts, oĂč rĂ©sonnent encore leurs voix.
Ă lâimage de ces travailleurs infatigables, il a fallu rivaliser dâendurance et de force, de prudence et dâaudace pour achever cette trace et laisser, une bonne fois pour toute, mon empreinte (29e finisher de cette toute rĂ©cente Ă©preuve OFF et futur grand classique Ă nâen pas douter) sur cette route aussi douce que brutale. Douce de par les paysages, la nature et le calme retrouvĂ©s sur ce parcours, loin des routes ordinaires, oĂč le week-end de lâAscension marquait le dĂ©but dâun long dĂ©filĂ© touristique, presque anxiogĂšne⊠Loin de tout, hors du temps, jusquâau bout de la nuit.
RĂ©veiller la faune nocturne par le halo de mon phare et improviser une sieste dans mon sac de couchage, sur le plancher de lâancienne scierie Martin de Servance-Miellin, davantage lâoccasion de me rĂ©chauffer que de vraiment me reposer.
Brutale de par les difficultĂ©s distillĂ©es tout au long du parcours, sur des routes forestiĂšres souvent hostiles. Si les pentes presque exclusivement Ă deux chiffres font naturellement leur Ćuvre (au pays des scies, on nâa jamais assez de dents sur sa cassette), aggravĂ©e par le poids de la fatigue et des sacoches certainement trop chargĂ©es, la brutalitĂ© rĂ©side ici davantage dans la nature des routes empruntĂ©es, aux revĂȘtements dĂ©foncĂ©es, entre mousse, trous, gravillons, Ă©corces, impliquant une vigilance de chaque instant, un repos inexistant et bien plus que 25 mm de gomme apparemment.
Bref, une incroyable aventure au cĆur de la forĂȘt vosgienne (marquant mon record de distance et de dĂ©nivelĂ© sur une sortie) que je ne peux que recommander : prenez le temps, mettez des dents, de larges pneus et savourez lâinstant. LâidĂ©e Ă©tait de faire une derniĂšre longue, de sortir de la zone de confort, de tester du matĂ©riel (quitte Ă porter lourd) avant le BikingMan Corsica dans 15 jours. Et finalement, jâai fini par redĂ©couvrir mes Vosges⊠autrement !
Photos et texte signĂ©s Damien Freytag, publiĂ© avec son aimable autorisation đ