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James Paouf sous les 24h

On ne m’a pas menti, j’en ai bien scié… Partir sous la pluie, mettre 10h à sécher, finir par 200km de déluges. Croiser Stéphane Brogniart. Faire moins de 24h. Epique. Les 10 001m de d+ sont un hasard complet, le tamagotchi n’a pas aimé les déluges et a arrêté de compter le d+ au bout de 6200m. Et la correction Strava a donné ce chiffre magnifique 

:)

 Récit complet : Préface L’aventure commence après une trop petite nuit au moment du réveil samedi matin à 3h, Départ de Strasbourg en voiture à 4h, arrivé à Saint-Amarin à 5h30. Jusqu’à là tout va très bien, en même temps qui circulerait à cette heure-ci. Préparer et remonter le vélo, charger les bagages sans en oublier la moitié, légèrement sous-gonfler les pneus vu la trace prévue. Il s’agit d’ailleurs du seul changement pour l’occasion sur ma fidèle monture, je roule au quotidien avec des pneus costauds de 32mm. Dernier réglage des freins.

Acte 1

5h49, le soleil commence à se lever et je prends la direction du Col de Haag par la nouvelle et merveilleuse piste cyclable. Il pleut légèrement, mais je suis assez bien protégé par les arbres, et le moral est au top. En plus les nuages sont bas sur les montagnes et cela fait des panoramas magnifiques. Col du Haag, Markstein, et descente direction Lac de la Launch. Itinéraire fait à maintes reprises. La route forestière du Remspach direction Linthal représente la première nouveauté de la journée. Le revêtement est bon et l’ambiance de la forêt nourrie par les pluies abondantes du printemps est magique. Un premier secteur Gravel m’attend entre le Col de Boenlesgrab et celui de Firstplan. Les pneus de 32mm légèrement sous-gonflés apportent autant de confort que de soutient. Puis, le gravel, j’aime ça. Direction Munster via Wasserbourg et Eschbach. Je rempli rapidement les bidons sur la place principale, et c’est parti pour les 21kilomètres d’ascension vers la station de ski de Lac Blanc par les petites routes dans les fins fonds de Stosswihr et Soultzeren. Ici les avertissements sur la qualité des chemins prennent tous leurs sens. Les chemins sont défoncés et des pneus gravel seraient certainement plus adaptés. Col du Wettstein, Lac Noir, Col du Calvaire. Il porte étonnement bien son nom celui-là. Je me retrouve dans un nuage, avec une visibilité très limitée. En descendant vers le col de Bonhomme je croise la caravane de la « légendaire marche Paris-Alsace », et plusieurs voitures de l’orga de la Granfondo Vosges UCI. Toujours dans les nuages jusqu’à la descente vers Plainfaing, puis par les petits chemins direction Xonrupt-Longemer et par les hauteurs des Goutteridos jusqu’à Gérardmer. J’avance bien, la météo est correcte, la fatigue ne se fait pas encore ressentir. La première grande pause de la journée à 13h45 à la première boulangerie de Gérardmer que je croise. Le compteur affiche 148km, 4100m de d+, et 19km/h de moyenne. Eau, coca, pizza, tartelette aux fraises, de quoi recharger de l’énergie pour la suite. Les prochains 50km s’annoncent assez faciles, surtout comparés au reste de l’épreuve, majoritairement descendants par des petites routes de campagne désertes, ou on croise plus de vaches que d’humains. Il est 16h30, j’arrive à Epinal, il faut toujours doux. Le compteur affiche 205km, 21 de moyenne et 5100m de d+. Il est 16h35, je commence à grimper la côte vers le Parc du Château, la dernière du premier acte, et une averse arrive.

Acte 2

Il pleut. Beaucoup. Même pas 15 minutes et je suis totalement trempé. Le fait d’avancer me tient au chaud.

A Archettes on se fait un signe de compassion mutuel avec un motard dans le même état que moi. Je savais que la pluie devait arriver, mais au fond de moi j’espérais que, pour une fois, la météo se trompe. Puis, le mois de Mai, le mois le plus pluvieux depuis le début des mesures à Strasbourg, est déjà terminé. On dirait que Juin ne lâchera pas l’affaire. Sur cette seconde moitié du parcours, la thématique des Sagards, les anciens ouvriers des scieries du massif des Vosges, prend tout son sens. Les côtes ne sont pas longues, entre 3 et 5km, mais difficiles par leurs pourcentages. Et leur nombre. En regardant le profil on a réellement impression de voir les dents d’une scie. Les petites pauses se multiplient, et je perds plusieurs minutes à chaque fois. La motivation n’est plus trop là, mais au fond de moi je sais que personne ne le fera à ma place, et de toute façon ça ne sert à rien de se poser, vu que je suis complètement trempé. Se poser est le meilleur moyen de ne plus repartir. Je commence également à me rendre compte que mon Tamagotchi (l’appellation familière de mon Edge pour ses effets sonores distinctifs) a du mal à faire grossir le dénivelé positif affiché. Il n’a certainement pas du aimer l’une des averses. Pas grave, on verra ce détail plus tard, de toute façon il n’y a rien à faire. Je tente quand même la technique de « souffler dans le trou », mais sans succès. Pas le temps d’y perdre le temps, et j’évite également de le malmener trop pour ne pas perdre la navigation et la trace déjà effectuée. Eloyes, La Forge, Sapois, Brasse-sur-le-Rupt, des petites villes et villages dont le souvenir est flou. Ils se ressemblent tous et je ne connais absolument pas le coin. De temps en temps je reconnais un carrefour ou une mairie vu auparavant sur StreetView pendant la préparation de la trace. Un jour je reviendrai pour visiter, promis. A un moment, dans une montée bien raide, j’entends derrière moi une personne qui m’appelle. « Tu fais la Route des Sagards ? » Je retourne à la dernière maison, et là qui d’autre que Stéphane Brogniart (encore désolé pour m’être trompé de prénom, j’étais complétement déboussolé à ce moment). Un aventurier français bien connu dans le milieu qui habite dans le coin, qui a déjà participé à l’épreuve, et qui a dû m’apercevoir d’un coin de l’œil par sa fenêtre. On discute rapidement, il me propose de remplir mes bidons, et m’encourage pour la suite. Rencontre ultra rapide, mais qui booste à fond le moral. Les prochains kilomètres avancent bien mieux qu’avant.

A Saulxures-sur-Moselotte la nuit comme à tomber, et c’est juste après, dans la montée de Ferdrupt que je décide de passer en mode nocturne : veste de pluie de randonnée pour l’instant gardée bien au sec, jambières, manchettes, gapette sèche. De quoi me tenir un peu plus au chaud. Après Ferdrupt j’arrive dans la Petite Finlande. Malheureusement la nuit est très sombre, les nuages ne laissent passer aucune lumière d’une lune déjà très peu éclairée, et en dehors de la route illuminée par mon phare je ne vois rien dans les environs. Faudra revenir un jour. La suite de mes souvenirs est un peu floue, entre les côtes interminables qui font mal, le noir omniprésent, la pluie, les chats aux abords des routes, le sanglier mastoc qui traverse à un mètre devant moi comme si rien n’était, les descentes qui bouffent mes plaquettes de frein à une vitesse jamais vu. Je me rappel juste de la côte que j’ai détesté le plus, celle de Belfahy. L’arrivé à Thillot symbolise une certaine délivrance. Certes, il me reste encore 57km à faire, mais pas les plus difficiles. 7km de voie verte, puis la monté jusqu’au Grand Ventron divisée en 3 côtes assez roulantes avec des pourcentages moyennes à 5-6% et des maximaux dans les 11%. Et je l’ai déjà fait par le passé. Même la pluie me donne un peu de répit sur cette dernière difficulté. Par contre un élément gâche le plaisir, je n’ai pratiquement plus rien à manger et la faim commence à pointer le bout de son nez. Tant pis, on fera avec. Pour l’eau il n’y a aucun souci, les fontaines sont partout et vu la quantité d’eau tombée du ciel ces derniers temps elles sont loin d’être à sec. Et au pire il y a toujours les ruisseaux forestiers transformés en torrents. Ou je peux tout simplement essorer mes habits. Pour lutter contre la fatigue je fais quelque chose dont je ne suis pas fière et que je condamne de manière générale, je mets de la musique à fond sur mon téléphone. Cela permet de me changer un peu les idées et me tenir concentré. La faune du massif du Ventron m’excusera. Il est 4h30 et j’arrive au Col de la Vierge, le dernier sommet de l’aventure. Il ne me reste plus que 26km de descente jusqu’au Saint-Amarin. Il fait étonnamment doux, et le moral est de nouveau au rendez-vous, et avec l’effort de cette dernière heure j’ai pu même un peu sécher. Pour terminer comme il se doit, à 2km de là, une averse m’attend du côté alsacien du Col de Bramont, je vais donc quand même terminer trempé. Pas de folies dans la descente, les animaux sur les bords des routes sont omniprésents, et même si mes pneus accrochent bien, la nuit et sans visibilité, les 15 virages en épingle sont traitres. Il ne reste plus que le passage rapide de la voie verte de la vallée de Thann en faux plat descendant et avec un léger vent de dos.

Au final la stratégie des 25 derniers kilomètres en descente n’était pas si mal que ça. Conclusion Il est 5h23, le soleil se lève doucement, et j’arrive à Saint-Amarin, le point de départ. Le compteur affiche 399.4km et 7220m de d+. Un petit tour de quartier s’impose pour arrondir la distance, mais le d+ final sera une surprise. 23:36:05 de temps écoulé, 20:36:50 de temps effectif, donc 3 heures de pauses. Sur ce point je suis un peu déçu, car à mi-chemin je n’avais que 56 minutes d’arrêts. Mais cela s’explique certainement par la difficulté de la seconde moitié dû à la météo, la nuit, les pourcentages affolantes, et tout simplement par la fatigue cumulée. Je peux enfin le dire, ce matin, je suis un Sagard. Et j’en ai bien scié. Merci au Vélo Club Spinalien et à Simon Remy pour cette épreuve hors norme. Ps : Pour une fois la correction Strava fait des merveilles et affiche ce chiffre magique de 10 001m de dénivelé positif. Que souhaiter de mieux. Garmin essaye de rattraper son coup en corrigeant même plus haut, à plus de 11k. Que c’est beau la technologie.