Ce week-end il n’y avait pas match mais aventure humaine avec mon binôme Willy …. Nous partons tout sourire et excitation vers ce projet , cette boucherie tous les 2 comme souvent … avec qui le faire de toute façon !!! Après 1 h de route Willy est au tel avec Steph Brogniard ( l’ultra trailer) le gardien vosgien !! Vous allez pas dormir sur un parking venez à la maison la trace passe juste devant la porte !! Le week-end commence par une belle surprise… une phrase me hante depuis son appel : ” vous savez dans quoi vous partez là ?! Parce que c’est un truc de dingue les gars !! Croyez moi c’est une boucherie ce truc !! ” ah … merci !
Allez go, 7 h on décolle de chez Steph tout sourire c’est parti pour cette aventure ! Une météo superbe soleil chaleur le top. Paysages somptueux et des cols et des cols ça ne s’arrête jamais. On était prévenu. Des orages étaient annoncés dans la nuit, mais le ciel a choisi de ne pas attendre et de nous en faire part en avançant sa colère. Nous voici en plein dans la tempête au sommet du col et à découvert .. pluie ++ vent ++ éclair etc … on continue pour trouver un endroit au sec .. bénédiction dans la descente un hôtel 5 étoiles pour mon ami et moi … une grange en guise de garage agricole. Parfait 3-4 bottes de pailles pour Willy et une petite remorque pour moi. Nous dormons 1h30 au sec.
On repart pour 2h du matin sous la pluie et route détrempée mais on avance bien … 2 h plus tard j’accuse le coup j’ai envie de dormir, il est 4 h du matin … plus qu’une envie, je dors sur le vélo en roulant … il fait froid mais j’ouvre la veste pour me réveiller mais rien a faire le corps ne veut pas ou plus. Faut continuer. Je suis épaulé par mon Willy qui mène la barque. Je lui dis que j’ai envie de dormir, que je suis ko. Je sais, je t’entends ronfler” me dit-il ! Je résiste jusqu’à ce fameux col où je mets le pied à terre pour la première fois. Km 262 !!! J’en peux plus !! Je marche pour essayer de me réveiller, je pédale en alternance, je m’arrête et pose la tête sur la selle pour dormir 1 minute à chaque changement…
Willy m’aura attendu 20 minutes dans sa doudoune et a fini par s’endormir sur la route. On arrive à Gérardmer à 7h30 je suis exténué, 3h30 que je résiste. Faut manger et du café !! Il pleut des cordes !! Un bon petit déj’, un café sur la marche de la boulangerie où je m’endors à nouveau. Willy toujours au soin et rassurant me dit : allez tom c’est 10-12h et c’est bon … 🥵🙃🙃🙃.
Il pleut trop fort on trouve un bar .. 2 grands cafés plus tard je suis en forme !!! “Je t’avais dit que tu allais revenir t’inquiète pas, de toute façon faut finir car on ne revient pas mon Tom”😂😂
La suite sera magique, on a les cannes on avance bien et on kiff. Bon ça grimpe toujours autant mais le soleil est de retour. Reste un col, une descente et on est arrivé !!! Steph est là et nous accueille !!! Putain mon Willy on l’a fait !! On se dit rien mais on lit la fierté dans le regard de chacun !!! Un petit plat vosgien nous attend chez le maître des lieux.
Merci à vous pour l’accueille Stéphane. Merci mon binôme pour cette aventure qui me restera gravé pour toujours !!!
398km 10 000m D+ en 32h40 : nous sommes des SAGARDS !!! Vivez vos rêves et créez vous des objectifs !! C’est la vie la vraie !!
Au pays des scies, on n’a jamais assez de dents sur sa cassette
Damien Freytag, le 10 mai 2024
Me voilà donc intronisé sagard, un terme ne faisant même pas parti de mon vocabulaire il y a encore quelques semaines…
Loin d’avoir le profil de ces laborieux ouvriers des scieries du massif des Vosges ayant disparu de nos montagnes il y a quelques décennies, j’ai tout de même passé 28 heures, 43 minutes et 43 secondes sur les routes qu’ils arpentaient autrefois, au fond de leurs forêts, où résonnent encore leurs voix.
À l’image de ces travailleurs infatigables, il a fallu rivaliser d’endurance et de force, de prudence et d’audace pour achever cette trace et laisser, une bonne fois pour toute, mon empreinte (29e finisher de cette toute récente épreuve OFF et futur grand classique à n’en pas douter) sur cette route aussi douce que brutale. Douce de par les paysages, la nature et le calme retrouvés sur ce parcours, loin des routes ordinaires, où le week-end de l’Ascension marquait le début d’un long défilé touristique, presque anxiogène… Loin de tout, hors du temps, jusqu’au bout de la nuit.
Réveiller la faune nocturne par le halo de mon phare et improviser une sieste dans mon sac de couchage, sur le plancher de l’ancienne scierie Martin de Servance-Miellin, davantage l’occasion de me réchauffer que de vraiment me reposer.
Brutale de par les difficultés distillées tout au long du parcours, sur des routes forestières souvent hostiles. Si les pentes presque exclusivement à deux chiffres font naturellement leur œuvre (au pays des scies, on n’a jamais assez de dents sur sa cassette), aggravée par le poids de la fatigue et des sacoches certainement trop chargées, la brutalité réside ici davantage dans la nature des routes empruntées, aux revêtements défoncées, entre mousse, trous, gravillons, écorces, impliquant une vigilance de chaque instant, un repos inexistant et bien plus que 25 mm de gomme apparemment.
Bref, une incroyable aventure au cœur de la forêt vosgienne (marquant mon record de distance et de dénivelé sur une sortie) que je ne peux que recommander : prenez le temps, mettez des dents, de larges pneus et savourez l’instant. L’idée était de faire une dernière longue, de sortir de la zone de confort, de tester du matériel (quitte à porter lourd) avant le BikingMan Corsica dans 15 jours. Et finalement, j’ai fini par redécouvrir mes Vosges… autrement !
Photos et texte signés Damien Freytag, publié avec son aimable autorisation 😉
Récit de Vincent LOUIS, sagard en 25 h 29 min, le 20 août 2023
La présentation donne le ton, ca sent le sapin cette affaire, et ça ça me plaît bien. Vadrouiller en vélo, parcourir les cols de mon enfance et plus, découvrir les routes cachées de mes forêts tant aimées sont autant de choses qui me motivent. Elles donnent en fait un prétexte à une sortie folle, qui va m’obliger à sortir de ma zone de confort et à repousser mes propres limites.
Ma sortie la plus longue je m’en souviens bien. C’était un direct Strasbourg-Nancy par le canal de la Marne-au-Rhin, 175 km qui avait fini au coeur d’une fête foraine de village, en fringale devant le stand de sucreries.
Aujourd’hui si ces mauvais souvenirs sont derrière, cette nouvelle aventure qui s’offre à moi m’effraie pour d’autres raisons : l’inconnue de la distance, de la réaction de mon corps vis-à-vis de l’effort et du temps à passer sur le vélo, le fait de rouler de nuit, l’alimentation et l’hydratation, la météo instable des dernières semaines.
Je décide de partir ce vendredi 18 août à la première heure. Il est 00h46 et je pars avec l’intention de rentrer me coucher dans la nuit prochaine. Je ne sais pas ce que je vaux sur une distance aussi longue, mais au fond de moi je sais que j’en suis capable et comme d’habitude, je n’ai pas envie de m’attarder, même si cette affaire en vaut la peine.
Au départ d’Epinal, la gueule dans le ***, il ne fait pas si froid que cela. Si les 20 premiers kilomètres me servent de réveil, les 20% de la montée des Cuveaux me donnent le premier coup de chaud de la journée. Et pourtant il fait encore nuit. Les températures sont inversées, il fait lourd sur les hauts et frais dans les fonds de vallées. Si les prochains cols me font regretter la sous-couche, les descentes quant à elles me donnent raison de m’être habillé chaudement pour le départ.
J’arrive à Saulxures à 5h00, mon village d’enfance. Les premières gourdes ont été rechargées, la tête et les jambes bien réveillées, le rythme est donné. J’avance en profitant des routes forestières que je connais par coeur, ou presque. Le col de la Sure après Morbieux est en effet une première découverte. Chevreuils, renards et blaireaux m’observent avancer lentement alors que le soleil se lève. Je serai en Haute Saône au levé du jour, avec déjà 100 bornes dans les pattes.
A Servance, il est encore trop tôt pour croissant trouver. Mes sacoches pleines de victuailles font l’affaire, je continue en autonomie vers les profondes vallées de Miellin. Là les scieries et les cadres des hauts fers résonnent encore. Si le contexte est d’une profonde authenticité, et d’un charme qui sent la résine, les pentes des 3 montées qui suivent me scient les jambes. C’est la première fois depuis le début de la virée que j’en bave. Et sur ces routes où les récents abbatages et orages rendent le revêtement particulièrement scabreux mon accolyte à 2 roues souffre lui aussi
Une pause s’impose. A Saint-Maurice-sur-Moselle la première boulangerie m’offre l’occasion de me faire péter la panse -pardon- de me ravitailler. A Bussang le soleil commence à chauffer, mais après m’être refait une santée, il est temps de tourner la page. Je grimpe le col du Page à un rythme régulier, idem pour la montée de la Chaume du Grand Ventron.
A Bramont c’est Pierre qui me rejoint. Le voilà qui arrive, la pédale agitée, entre 2 motos. Parés pour la bascule, nous partons vers l’Alsace et profitons de la descente pour partager mes premières rencontres sauvages (je parle aussi bien du gibier que des cols sanglants haut-saônois). Le fond de vallée de Kruth à Saint Amarin est plat, mais autour de nous les bosses s’élèvent et celle que nous entamons est abrupte. La montée jusqu’à Geishouse annonce les prochaines heures. Des pentes continues et longues en plein soleil, mais des paysages de toute beauté.
Le temps passe et nous nous arrivons à Munster. J’ai l’impression que nous n’avons pas avancé : il est presque 18h et j’ai seulement passé les 250km alors que j’en avais 180 quand nous nous sommes retrouvés à Bramont. Pierre décide finalement de me laisser après une énième bifurcation surprise vers une rampe peu accueillante au dessus de Stosswihr. Je ne tarde pas et me remet à scier le rythme régulier, sur les pentes du Wettstein. Je me suis donné l’objectif de passer le défilé de Straiture avant la tombée de la nuit. Cette vallée encaissée ne me donne pas envie d’y rester la nuit, et le passage à Gérardmer représente pour moi presque une ligne d’arrivée car je sais que la suite roulera.
Avant cela, il me faut encore rejoindre le Bonhomme. Quelques coups de scie aux Hautes Huttes, et sur la route du Lac Blanc pour redonner du rythme, me permettent d’atteindre la descente du prés de Rave alors que le jour se couche. J’ai en tête d’être à Ban sur Meurthe dans la prochaine demi heure.
Mais c’est ici que le plus dur commence. Les kilomètres passent et les vallons défilent. La trace monte, redescend, on pense en finir et à chaque fois un coup de cul revient, quand ce n’est un chemin accidenté qui nous ralentit. A proximité de Plainfaing, le mental est au plus bas, comme le soleil et comme mon pneu. Je viens de crever. Je répare, allume mes lampes et continue, tête baissée, résigné, sur les routes de Ban sur Meurthe, sur toute les routes de Ban sur Meurthe même. Car ici la trace fait les 4 coins de la vallée. Quand on pense arriver en haut, la trace redescend, puis remonte, puis croise la vallée, pui remonte, puis remonte, pour enfin nous rapprocher de Xonrupt.
Il fait nuit et une bosse me sépare de Gérardmer. Le mental fera tout dans cette montée, pas de sentiment, mais des jambes qui veulent en finir. La pente est régulière mais longue, et lorsque les rues du centre ville gérômois s’offrent à moi, c’est mes lampes qui me lâchent. La montée de Liézey se fait au flash et la suite n’est que sciage sur des profils roulants. Je ne traîne pas, il est 00h00 et j’ai hâte d’en finir.
Mes batteries de lampes rechargées, je descends vers Saint-Jean-du-Marché quand un flash clignote au loin. C’est Romain, il m’attend en vélo pour m’accompagner jusqu’à Epinal. Je ne sais pas comment il m’a retrouvé là, mais la surprise et bonne et la fin passe de ce fait rapidement, et de bonne manière. Je suis détendu, les muscles répondent encore bien, même si les genoux commencent un peu à fatiguer.
Il est 2h15, il fait aussi bon qu’hier matin à la même heure, et me revoilà à Epinal.
J’ai parcouru 411km, grimpé 9 683m, j’ai scié pendant 25h29 et ce soir je suis un sagard.
Je mets des majuscules parce-qu’elle mérite bien ça…
L’idée a germé il y a plusieurs mois dans la tête de Sarah Vieuille. N’ayant pas réussi à nous caler cette aventure ensemble, nous nous apprêtions à nous lancer séparément :
Sarah en septembre avec une amie, sur 3 jours.
et moi la semaine du 7 au 11 août (décidé début août !) avec Marin Pogeux en “un minimum de temps”.
À la grande surprise de Marine qui me connait bien et qui sait que je ne suis pas fan de dormir sur un tas de cailloux, je lui ai proposé de partir à l’aventure sans rien réserver, de rouler jusqu’à n’en plus pouvoir et de s’adapter aux besoins avec les moyens du bord … les routes forestières vosgiennes ont bien des abris à disposition pour dormir quelques dizaines de minutes par-ci par-là, non … ?
Voilà donc dans quel état d’esprit j’étais
Loin de ce que j’avais déjà connu et vécu sur les routes du Tour de France lors de ces cinq dernières années, où nous endurions certes de longues journées sur le vélo (mais calibrées) et où nous bénéficions de dîners copieux et de nuits confortables.
Je voulais clairement sortir de ma zone de confort, être poussée dans mes retranchements, subir une difficulté outrancière et tenter de m’adapter… voir ce qui se passait… rhô et puis, ça n’allait peut-être pas être aussi dur que ça
Finalement, Sarah a pu se libérer pour transformer notre duo en trio.
À trois, avec des besoins de sommeil qui seront probablement différents et en décalage et une météo qui s’annonçait plus fraîche qu’espérée, nous avons eu un regain de sagesse et j’ai finalement réservé trois lits au refuge du Treh.
Nous voilà donc avec un objectif à atteindre à l’issue de notre première journée sur le vélo, le Markstein !
Mais comme rien n’est jamais acquis, notre Marine a malheureusement dû renoncer en dernière minute à prendre le départ de cette Route des Sagards, trop affaiblie par un état grippal
Et le cycliste affaibli a peu de chance de survivre au milieu des routes et sentiers empruntés par les anciens ouvriers des scieries vosgiennes …
“Les sagards, ces laborieux ouvriers des scieries du massif des Vosges, ont disparu de nos montagnes il y a quelques décennies. Mais les routes qu’ils arpentaient autrefois sont toujours là et, au fond de la forêt, résonnent encore leurs voix. À l’image de ces travailleurs infatigables, celui qui s’aventurera sur la route des Sagards devra rivaliser d’endurance et de force, de prudence et d’audace pour achever son œuvre et laisser, une bonne fois pour toutes, son empreinte sur la route.
Un parcours hors des routes ordinaires, une aventure au cœur de la forêt vosgienne.
Voilà ce qui nous attendait Sarah et moi, à 4h52 le matin du mercredi 9 août, au départ de la maison à 8 km et 230m de dénivelé de la trace… que nous attaquerons au Champ de Laxet, dans la nuit presque noire
Mercredi 9 août 2023
4h52
Après un petit-déjeuner copieux et un bon café, nous voilà parties, tous feux allumés, vers notre trace.
Notre départ se situe au Champ de Laxet après 8 km d’ascension par Berchigranges, une première côte gratos donc, pour s’échauffer… du hors piste dans la nuit noire.
5h21
C’est parti ! La Route des Sagards a démarré ! On nous avait prévenues, depuis le Champ de Laxet, les 100 premiers km seraient les plus faciles.
Effectivement, fastoche jusqu’à Épinal ! Les routes empruntées me sont connues, même si j’y circule habituellement en sens inverse. Ce sont certes de petites routes mais dont le revêtement est très correct. Profitons-en, il paraît que ça ne va pas durer…
La première côte répertoriée par mon Garmin arrive alors que nous sommes déjà grandement échauffées et qu’au moins deux de nos grands sujets de conversation ont déjà animés nos coups de pédales !
1/32 … voilà ce que m’annonce Garmin. Ah ouais quand-même !
Donc jusqu’à revenir au Champ de Laxet demain, quelque part dans la journée, nous aurons grimpé 32 côtes … 32 côtes répertoriées ! Sont évidemment passées sous silence toutes les côtelettes jugées insignifiantes, mais que nous grimperons quand-même
Parmi les cols les plus connus, le Col du Singe, le Haut du Tôt, le Col des Chevrères, le Col du Haag, le Petit Ballon, le Col du Wettstein, mais jamais de bas en haut par la route que l’on connait !
Naaan, ce serait trop fastoche, et mentalement trop confortable. Il faut passer par tous les murs du coin ! Sans faire le mur évidemment… car si on renonce à suivre la trace au caillou ou au trou près, on renonce à devenir des Sagardes
Alors on s’y colle !
Notre préparation organisationnelle fut très très légère, car finalement la décision de partir quand-même à l’aventure sans Marin Pogeux a été prise la veille du départ.
Mais, grâce au travail préalable de Marine, j’avais noté les points de ravito idéaux.
Eloyes au km 78 : premier arrêt ravito boulangerie.
Mais comme nous n’avions pas encore bien faim, après ces kilomètres fastoches, le sandwich fut stocké dans la sacoche. Ce fut une erreur de ne prendre qu’un sandwich… mais je ne le saurai que plus tard . Ce sandwich fut avalé à 11h à Sapois au km 110, fin bien assises sous un abri-bus, après la descente de ce qui devait être notre côte numérotée 4/32 …
La deuxième pause ravito boulangerie était programmée au Thillot, km 190. Soit “seulement” 80 km plus tard. Mais ce que nous n’avions pas concrètement pensé, c’est que nous aurions déjà 4500m de dénivelé positif ! Et nom de Zeus ! Qu’est-ce qu’on nous a fait grimper entre ces deux points de recharge calorique ! Pô pô pô pô pô …
Des murs qui s’enchaînent avec une indécence que je n’avais pas imaginé, sur des routes encombrées ou défoncées, sans rendement (donc reposantes ni en montée ni en descente). À tout-va, des 2 ou 3 km à 10% de moyenne où la pente atteignait régulièrement les 17% – 19% – 22% – et même jusqu’à 27% !!!
Bon, seule ma parole compte car mes deux mains étant nécessaires sur le cintre, j’ai zéro photo. Tout comme j’ai zéro photo des routes défoncées car impossible de lâcher le cintre . Bref, aucun répit. Entre les multiples “muroutes” (comprendre mur routes) forestières qui ont épuisé nos corps, le Pays des Mille Étangs a toutefois régalé nos esprits. Nous avançons car c’est bien pour ça que nous sommes là. Mais nous n’avançons pas bien vite
Nous en scions (pour ne pas dire que nous en chions) mais c’est bien pour ça que nous sommes là, non … ?
Je ne sais plus dans lequel de ces murs, entre Eloyes et Le Thillot, j’ai pris conscience de ça, mais “p*** je n’avais jamais rien fait d’aussi dur !”
Je pioche dans mes poches, une, deux, trois barres d’urgence… au bord de la fringale ! Je suis rincée ! Mais pas au point de pousser le vélo, ce qui me rassure un peu.
Nous arriverons à la boulangerie du Thillot au km 190 à 17h … le carburant du sandwich de 11h est cramé depuis un bon bout de temps !
Pourquoi ne pas avoir fait de pause ravito plus tôt, me direz-vous ? Parce-qu’il y avait à peu près RIEN sur notre trace . Et étant donné que nous avions déjà fait de nombreux rab ici ou là par manque de vigilance et bifurcations inopinées ratées, nous avions fait le choix de nous ravitailler à moins de 500m de la trace.
À ce moment-là, j’aurais dévoré tous les rayonnages ! Finalement, un petit pâté (pâté lorrain pour les non connaisseurs), deux wraps, une part de tarte aux pommes et trois énormes sablés aux amandes et raisins feront mon bonheur. Idem pour Sarah Vieuille. Comme quoi on était vraiment en phase
Soyons lucides, le troisième point de ravito, prévu à Kruth à condition d’y être avant 19h, est définitivement hors sujet. Donc nous stockons le petit pâté et deux sablés dans la sacoche, pour plus tard…
L’objectif est désormais d’arriver avant 23h au refuge du Treh, au sommet du Markstein (officiellement au km 265) où nous attend le gardien. Ça devrait le faire. Mais il ne faut pas s’amuser en route. Et il faudra encore trouver à manger, hors boulangeries ou supérettes qui seront fermées, car les réserves faîtes ne suffiront pas pour le dîner et le petit-déjeuner.
Nous visons Fellering, pied de la dernière ascension avant le refuge. Le ventre plein et les ascensions plus longues et moins raides nous donnent un regain d’énergie. Ça pédale mieux ! On reprend nos conversations.
Il est 20h au sommet du Bramont. Petite pause recharge montre GPS et recharge vestimentaire. Ça va cailler ! Nous voilà prêtes pour une longue descente vers Kruth puis Fellering, où nous misons sur un petit resto ou une pizza à emporter.
La descente sera moins longue qu’imaginée car nous bifurquons, pour la 127ème fois vers des petites routes interdites aux voitures puis de la piste cyclable. C’est pas encore là qu’on va réussir à hausser notre vitesse moyenne
Fellering. Km 245. Presque 21h.
Nous entrons dans ce petit resto et demandons le plat le plus rapide. Ce sera Burger-frites et eau pétillante ! Pour moi, Munster, lard, steak haché pour un burger gourmand
Recharge compteur GPS par la même occasion, histoire que tout le monde reparte gonflé à bloc.
Petit appel téléphonique au gardien, qui nous attend, pas de souci ! Bien, nous ne dormirons pas dehors cette nuit, même si nous arrivons hors délai… Reste l’ascension du Markstein par le Col du Haag (12 km à 7%), que nous ferons de nuit. L’ascension n°19/32 …
J’aime beaucoup rouler de nuit. Seule la vue est gâchée. Le reste semble galvanisé. Le revêtement semble parfait, dommage qu’on ne le voie pas nettement pour en profiter davantage.
Je nous pensais presque arrivées, c’était sans compter sur ma piètre connaissance géographique des lieux… Au sommet, restait 4 km pour rejoindre le Markstein, puis environ 2 km pour tomber sur le refuge… sauf que suite à notre préparation organisationnelle très légère, j’ai été négligente sur la situation exacte du refuge, me disant qu’on s’arrêterait pour regarder au moment venu et que de toute façon, ce serait bien indiqué. Eh ben non, malgré un arrêt GPS et un appel du gardien qui s’inquiétait, j’ai merdé, on a raté la bifurcation et encore un peu, on redescendait sur Kruth J’étais gelée !
Bref, nous avons fini par rejoindre le refuge après 30 minutes de jardinage, accueillies chaleureusement par le couple chargé de la surveillance.
275 km et près 6500m de dénivelé positif.
Une appréciable infusion partagée, quelques explications sur notre périple, de nombreux et sincères remerciements, une bonne douche et un lavage de dents indispensables, et nous éteignions la lumière à 0h50 … avec un réveil à 5h15.
J’ai des tensions musculaires, asymétriques à droite et à gauche, comme je n’ai jamais ressenti à vélo. J’ai le dos et l’entre-omoplates endoloris à force d’être crispée dans les descentes défoncées.
La courte nuit aurait cependant pu être super réparatrice si j’avais dormi … mais impossible de trouver le sommeil ! Si j’ai somnolé deux ou trois fois quelques secondes, c’est bien le maximum. Mais mon corps allongé a pu se refaire la cerise, tout n’était pas perdu
Jeudi 10 août 2023
5h15
Debout, nous faisons le point sur le séchage des vêtements, la recharge des multiples GPS et lumières et prenons notre petit-déjeuner sans lumière, n’ayant pas réussi ni l’une ni l’autre à mettre la main sur l’interrupteur en cuisine.
Pas grave, ça fait moins mal aux yeux. Petit pâté et sablé amandes et raisins !
6h10
C’est reparti. Il reste 145 km (un peu plus si on rate des bifurcations, ce qui sera encore le cas…) et environ 4000m de dénivelé positif. On a fait le plus dur, en terme de murs. Mais… Cette deuxième journée sera bien différente de la première, mais restera difficile.
Après une descente que l’on espérait plus longue, nous voilà reparties sur les traces des Sagards, en pleine forêt, sur des routes qui seront encore plus défoncées que la veille. De manière générale, des pourcentages moins forts mais des ascensions plus longues.
Le point commun avec la veille, c’est que le plat n’existe pas et que les montées s’empilent les unes derrières les autres sans aucune bienveillance
Tandis que les descentes me congèlent ! Je me demande comment je vais réussir à ne pas être malade après ça … (eh bien finalement, je ne le serai pas ).
9h30. Km 325.
Ravito à Munster. À priori le dernier. Nous prenons de quoi manger tout de suite, et de quoi casser une petite graine plus tard. Le petit pâté et le sablé nous ont bien calées, mine de rien.
Nous arrivons désormais sur des routes que nous connaissons. Enfin, c’est ce qu’on croit ! Mais à nouveau, nous avons droit à ces petites bifurcations sorties du chapeau qui nous emmènent dans des cols connus par des voies inconnues et toujours ascensionnelles !
J’ai fini par râler. Pendant tout un col. Ouais. Mais rien à voir avec la trace. Le Col du Wettstein qui aurait dû être très sympa à grimper, était criblé d’une couche d’une épaisseur et d’une grosseur de gravillons que je n’avais jamais vu sur une route ! Alors là, j’avoue, ça m’a bien gonflé ! Aucun rendement, pas moyen de se mettre en danseuse, bon ni pour les pneus ni pour le cadre, stress au milieu des voitures, … bref j’ai râlé toute la montée … sauf dans les virages qui étaient épargnés, pour des raisons de sécurité.
C’est drôle mais à partir de Plainfaing (km 365 à 13h45), alors que nous sommes si proches de chez nous, je trouve cette route des Sagards interminable !
La raison ? Parce-qu’on prend des “routes” défoncées qui nous font faire des détours de dingue (par rapport à l’itinéraire le plus court pour rentrer à la maison ).
Il fait plus chaud que la veille, ce qui va réveiller certaines gènes voire douleurs de pied chez Sarah et moi. Chacune son pied droit qui merdouille.
Les routes sont vraiment bien défoncées. J’ai mal aux poignets et au mains dans les descentes. Arrive la montée de Serichamp. Pour la deuxième fois, je m’entends penser que “p*** je n’avais jamais rien fait d’aussi dur !”.
Je parle du périple dans sa globalité. Et ça fait deux fois.
Donc je valide ce constat : la Route des Sagards est l’aventure à vélo la plus difficile que j’ai faite !
Pourtant là, je ne suis pas en fringale. Je suis juste crevée. J’en ai marre de grimper. Ce fut pour moi la dernière difficulté endurée. Une fois arrivée à Xonrupt, j’étais sur mes terres et je connaissais par cœur les dernières difficultés. Il en restait 3/32 ! De la rigolade !
C’est donc l’esprit léger que nous avons rejoint Gérardmer par le Poli et la route des 17 km, puis Liezey par les Xettes.
Des bonnes grimpettes mais qui, avec leur statut de dernières des 32, passent bien.
Après Liezey comme prévu, nous retrouvons mon papa et mon neveu sur le vélo, venus à notre rencontre (sans assistance ravito, on est pas des tricheuses ! ).
Le Champ de Laxet ! 17h35. Km 414. 10 277m de dénivelé positif
Nous y sommes ! Enfin ! En 36h15 !
Je ne réalise pas trop…
Photos souvenirs, évidemment !
Et descente vers la maison. La maison. 17h52. 430 km. 10 500m de dénivelé positif
Nous y sommes, enfin, 37h après notre départ.
La bière et le gâteau encore tiède de ma maman, dégustés en terrasse au milieu de mes proches et en compagnie de mon acolyte de dingue, furent appréciés à leur juste valeur.
Je voulais de l’inconfort, j’en ai eu !
Je voulais une difficulté durable et dérangeante, je l’ai eue !
Je voulais de l’incertitude, j’en ai eue !
Je voulais une aventure, rude, mythique et mémorable, je l’ai eue !
Nous sommes les premières femmes Sagardes à vélo !
Alors merci Simon Remy d’être à l’origine de cette énormissime trace, merci à Sarah d’être toujours partante pour les pires trucs, et merci papa maman pour les encouragements et le plein d’énergie avant et après
par Benoît Gandolfi, finisseur de le Route des Sagards en 23 h 05 min.
Fauve
Ces quelques vers piochés dans une chanson de Fauve, reflètent assez bien mon état d’esprit à l’aube d’attaquer pour la seconde fois la Route des Sagards.
Vous savez, cette trace d’environ 400 bornes et 10000 mètres de dénivelé positif qui sillonne le massif des Vosges, et qui, en novembre dernier avait eu le dernier mot.
De l’eau a coulé sous les ponts depuis, le corps et l’esprit ont encaissé des épreuves. Les stigmates du 24h sont toujours présents, ses enseignements également.
Nous reformons un trio original pour bourlinguer jusqu’à l’ivresse.
Vincent et Stéphane, les deux forts gaillards de Sapois. Et moi, le petit gars de Liezey. Dans ce genre d’épopée, pas besoin de dresser le pedigree de chacun. On fait table rase du passé. Chacun vient avec ses armes. Chacun vient avec sa cause. Chacun sait pourquoi il est là.
La suite de l’aventure, c’est un enchaînement de pentes, un enchaînement de surfaces, un enchaînement d’émotions. Car avant toute chose, rendons hommage au créateur. Il faut forcément être habité d’un esprit marginal et destructeur pour être à l’origine de cette Route. Simon Remy doit certainement faire partie de ceux-ci. Ces marginaux qui s’intéressent davantage au voyage plutôt qu’à la destination.
Ceux qui préfèrent le voyage en train plutôt que l’avion.
Car il faut se l’avouer, rien n’est logique dans cette Route. Dès que le tracé nous déroule un beau tapis propre, c’est le moment de bifurquer. Chercher le grain rugueux, le nid de poule, l’avancement minimum.
Et c’est certainement pour toutes ces raisons que nous sommes partis de Sapois ce mercredi 16 Août à 06h07 du matin. Pour se confronter à la difficulté, à l’âpreté de l’homme en mouvement.
Et comme rien ne peut être linéaire dans ce genre d’avancement, nous nous sommes vite retrouvés seuls. Une crevaison, des crampes précoces, une chaleur de plomb. L’aventure collective du début cède vite la place à une aventure individuelle intérieure.
Désormais un seul mot d’ordre : Avancer. Grappiller les kilomètres. Surfer sur les bonnes sensations avant le coup de bambou qui te fera ramper dans le fossé.
De fil en aiguille, de cols en montées, me voilà seul dans la nuit. Déjà 280 kilomètres au compteur. Quasiment 8000 de positif. Mon rythme de forçat m’a empêché de voir les kilomètres défiler. Mais maintenant nous y sommes. La nuit pointe le bout de son nez. La concentration doit forcément se faire plus marquante. Le sauvage reprend ses droits. Les bêtes sortent du bois. Je m’amuse à les appeler. Elles viennent à moi. La beauté froide de la biche dans la montée du Vic, le regard glaçant du renard au dessus du Poli, l’envolée lyrique de la hulotte aux abords du Hautré. Je suis dans mon élément. La voûte céleste sublime le tout pour faire de cette nuit un tableau.
Une pause salvatrice kilomètre 292 me permet d’entrer dans la dernière ligne droite frais et ragaillardi. Je suis désormais sur le chemin du retour. Chaque aventure se joue sur un coup de dés. Une faute d’inattention, peut être même les prémices d’un endormissement et me voilà, sur ma bécane, en train d’heurter à pleine vitesse un trou béant dans la chaussée. Les deux chambres à air explosent en même temps. Je tiens comme par miracle sur ma monture, équilibriste noctambule.
La réparation s’opère dans la difficulté et les minutes s’écoulent.
Derrière moi, je vois le halo d’une frontale. Stéphane est là, fonçant à vive allure, évitant sans encombre le trou dans lequel je viens de me fracasser. Il poursuit sa route comme j’ai poursuivi la mienne bien plus tôt dans la journée.
Ma bicyclette est à nouveau en état de marche, je remonte dessus. Sonné. Comme un boxeur dans les cordes, le regard hagard.
La Route est encore longue et il faudra bien de la vigilance pour arriver à bon port.
L’esprit a cette merveilleuse capacité de se remobiliser quand il le faut.
J’enchaîne à nouveau les kilomètres. Je suis dans la plaine, grisé par la vitesse. Je passe Epinal, ma ville natale, sans me retourner.
C’est dans le Fossard que la pente s’élève à nouveau pour une dernière fois. Et comme dans les meilleurs contes pour enfants, vous savez où tout se termine toujours très bien, je retrouve Stephane dans l’une des dernières montées.
Cela fait des heures que nous pédalons et nous voilà au même point. Un dernier effort en commun, une dernière descente à pleine vitesse et nous devinons enfin le village de Sapois.
Nous sommes jeudi 17 Août. Il est 5h12 du matin.
Nous sommes de ceux qui en avons scié.
Nous sommes de ceux pour qui la Route des Sagards a été une épopée de 23 heures et 05 minutes.
PS : Vincent terminera quant à lui La Route des Sagards en 28h55 au terme d’une lutte acharnée. Évidemment.
Benoit Gandolfi (publié initialement sur ses réseaux) https://www.facebook.com/benoit.gandolfi
Parti vendredi 7 avril à 17h, Yannick a bataillé pendant plus de 35 h 28 minutes pour venir à bout de la Route des Sagards.
Nous avons pris des nouvelles de notre 1er sagard et recueilli ses impressions :
La trace est magnifique, tranquille à l’abri de la circulation, mais vraiment pas roulante sur les routes forestières raides et défoncées. Je ne connaissais pas trop la route à partir du Pré-des-Raves, jusqu’au pied de la chaume de ventron 😁. J’étais déjà passé de l’autre côté de la montagne et je savais que c’était un sacré terrain de jeu avec les petites routes avec vues et coup de culs. Mais là c’était un festival !
Quel est pour toi ton pire moment ?
Le pire, ce sont les bosses raides avant Bussang. En général je suis joueur. Mais cuit, avec un vélo chargé, ça ne passait plus… Le Haag me faisait un peu peur car j’ai dû le garder pour la fin à cause de la neige au départ. Mais finalement ça a été. C’était la dernière et je suis monté tranquille à pied en prenant mon temps 😁.
Et ton meilleur moment ?
Le mieux, je dirais la voie verte avant Bussang 🤣. Sinon le plateau après Gérarmer a l’air magnifique. De nuit avec la lune et le brouillard c’était magique !
La partie vers les Milles Etangs aussi où la route est enfin un peu vallonnée et roulante le long des étangs.
Encore bravo à Yannick pour avoir inauguré cette trace ! À qui le tour maintenant ??